Matthieu Androdias : “J’ai découvert ce que c’était d’être supporter”
11 septembre 2023Des médailles sans finales aux Jeux méditerranéens de plage
14 septembre 2023Avec seulement trois qualifications olympiques sans aucune médaille, l’équipe de France est rentrée de Belgrade avec un bilan plus que léger. L’équipe de France paralympique s’en sort mieux avec trois qualifications elle aussi, et deux médailles au compteur.
“Ce n’est le bilan qu’on attendait. Côté olympique, on était venus là pour aller chercher deux médailles, trois bateaux en finales et cinq bateaux qualifiés ; on n’a pas de médaille, on a deux bateaux en finales et trois coques qualifiées. Est-ce un bon championnat du monde ? Non, on n’atteint pas nos objectifs. Pour l’équipe paralympique, on est pratiquement à l’objectif. On était venus chercher trois médailles, on en a deux. On était venus chercher cinq bateaux qualifiés sur cinq épreuves, on en a trois”. C’est ainsi que brièvement Sébastien Vieilledent, directeur technique national, a résumé en propos introductif les championnats du monde qui se sont tenus à Belgrade du 3 au 10 septembre.
Un bilan chiffré en deçà des attentes de l’encadrement de la Fédération française d’aviron, certes, et qui va nécessiter un important travail d’analyse. A moins d’un an des Jeux de Paris, il n’y a plus aucun droit à l’erreur, le DTN l’a confirmé lui-même. Mag Aviron revient sur les performances des bateaux tricolores présents à Belgrade.
Deux médailles en para-aviron
La première médaille remportée le fut vendredi après-midi par Elur Alberdi et Laurent Cadot, qui ont fait trembler les tricolores. Les Australiens, médaillés d’or à Varèse, ont pris rapidement la tête de la course. Les Américains ont pris la seconde place dans leur sillage, laissant les Britanniques et les Français se disputer la troisième marche du podium. S’en est suivi, à distance, un jeu du chat et de la souris, les uns repassant devant les autres, pour que ce bord à bord séparé par quatre lignes d’eau tourne à l’avantage des Français qui ont remporté le bronze. Une belle réussite pour le duo français qui s’est retrouvé sur l’eau il y a seulement 15 jours, après le retour d’Elur Alberdi suite à un lymphome qui a nécessité un traitement par chimiothérapie. Quand on demande aux deux rameurs quelle est la plus belle médaille, entre l’or à Racice ou le bronze ici, la réponse est unanime : “celle-ci, elle a le goût de la vie et de l’espoir. Avoir cette médaille en plus de la qualification pour Paris, c’est juste incroyable. On la croque à pleines dents. On a une belle équipe, à quatre avec Guylaine Marchand et notre entraîneur Loïc Mariage”. Les deux Français ont maintenant un an pour se préparer, rattraper le temps et progresser. “Ce qu’on a fait en si peu de temps, ajoute Elur Alberdi, c’est énorme, on a une grosse marge de progression”.
La deuxième médaille n’a pas engendré de Marseillaise sur les bords du lac Sava, mais c’est une Marseillaise qui l’a décrochée. Nathalie Benoit a elle aussi fait trembler les Français, nombreux à l’encourager sur les bords du bassin. Elle l’admet elle-même, au vu de son départ, qu’elle n’y croyait plus. La Norvégienne Birgit Skarstein a pris le leadership de la finale A du skiff féminin PR1, avec juste derrière elle l’Israélienne Moran Samuel et l’Ukrainienne Anna Sheremet. Mais Nathalie n’allait pas baisser les bras. Surtout qu’en voyant ses prédécesseuses craquer, elle a commencé à remonter son retard, les faisant craquer et reprenant la deuxième place dans le dernier 500, avec sur la ligne d’arrivée l’argent mondial. “Après un kilomètre, j’ai ressassé, sourit la Marseillaise, me disant mais pourquoi t’as fait ça ? Les 1000 premiers mètres sont passés plus rapidement que d’habitude, je n’ai donc pas fait une si mauvaise course que ça malgré le départ chaotique”. L’écart avec la skiffeuse norvégienne se réduit, même si elle reste prudente. ” Voir qu’on se rapproche avec Birgit Skarstein, c’est motivant, mais je suis toujours sur la réserve. En un an on sait qu’elle peut faire des bonds, on va essayer de faire les mêmes bonds qu’elle, ça va être dur mais on va s’accrocher. Je savais que tout le monde était là, ou derrière l’écran. Les coachs m’ont portée, ils ont crié tout le long, je n’étais pas toute seule dans le bateau, c’est ce qui m’a sauvée aujourd’hui. On sent toute cette positivité ; ça transmet beaucoup de choses. Le skiff, c’est particulier parce qu’on est toute seule, mais en fait pas réellement, je m’en suis rendue compte sur cette course”.
Le quatre barré mixte PR3 qualifié pour Paris 2024
Le samedi, le quatre barré PR3 concluait son parcours à Belgrade. Un bateau qui avait remporté son ticket pour Paris 2024 dès sa série, son entrée en finale validant le sésame pour les Jeux l’an prochain. En finale, Margot Boulet, Erika Sauzeau, Rémy Taranto, Grégoire Bireau et leur barreuse Emilie Acquistapace retrouvaient non seulement des adversaires des derniers mondiaux de Racice, mais aussi des bateaux médaillés aux championnats d’Europe de Bled en mai dernier et avec lesquels ils étaient montés sur le podium. Les tricolores ont passé les premiers 500 en cinquième position, position qu’ils ont conservée jusque sur la ligne d’arrivée.
Trois coques olympiques qualifiées
L’équipe de France olympique a quant à elle remporté trois tickets pour Paris 2024. Le premier à être “techniquement” remporté fut celui du quatre sans barreur masculin, dès le jeudi en demi-finale. Ils retrouvaient les trois bateaux qui, avec eux, n’avaient pas pu monter sur le podium de Lucerne : les Américains et les Néerlandais. Et c’est justement avec eux que la lutte s’est déroulée en tête de la course, laissant les autres derrière, même si les Français ont dû décaler les Italiens pour s’assurer la troisième place. Quota validé pour les Jeux de Paris 2024 ! Le samedi, ils se retrouvaient alignés face aux plus grosses écuries mondiales de la discipline qui ont, cette saison, remporté de francs succès : les Britanniques médaillés d’or aux Europe et à Lucerne, les Américains troisièmes à Varèse, les Néo-Zélandais bronzés en Suisse, les Néerlandais médaillés de bronze à Lucerne… Les tricolores n’ont pas pu suivre le train d’enfer mené par leurs concurrents et ont terminé à la sixième place mondiale. “Les finales mondiales ça s’apprivoise, explique Bastien Tabourier, gagner, ça s’apprend. Le bateau doit apprendre à développer sa vitesse sous la pression d’une finale. On monte ce bateau depuis avril, il faut qu’ils se connaissent encore mieux, qu’à l’aveugle sans se parler ils sentent ce que fait l’autre dans le bateau, ce sont les kilomètres qui le feront. On va travailler dur et on sera prêts aux Jeux”.
Le deuxième bateau à se qualifier pour les Jeux fut le deux de couple féminin. Là encore, un ticket remporté grâce à une entrée en finale mondiale. Sixièmes au passage des premiers 500, elles pointaient encore cinquièmes après 1500 mètres de course, quand les encouragements du double masculin, alors à la récupération, leur ont donné de l’énergie pour réaliser un beau finish et passer la ligne en troisième position. Le dimanche, le duo tricolore n’a pas pu réitérer l’exploit et monter sur le podium. Elles ont réalisé un bon départ, bien meilleur comme elles le confirment que celui de la demi-finale, leur permettant de jouer à jeu égal en début de parcours, avant de décrocher et de passer la ligne d’arrivée en sixième position. “La frustration est là, commente Emma Lunatti, puisqu’on est des compétitrices et qu’on veut avoir la boule avant tout le monde, Après on est assez lucides. On a rempli le plus gros objectif, avoir le ticket pour Paris. On va avoir trois semaines pour bien couper, profiter, se ressourcer et tous les coups de pelles, ce sera pour bosser notre deuxième 1000, et arriver à Paris avec les dents longues et beaucoup d’armes pour pouvoir répondre”.
Peu avant, c’est le deux de couple masculin qui a décroché, en finale B, le précieux sésame pour l’an prochain. Seuls les cinq premiers bateaux allaient décrocher leur ticket pour Paris 2024. Un seul concurrent à sortir mais comme le soulignait Valentin Onfroy : “il y aura six bateaux pour cinq places, et tout le monde voudra être dans les cinq”. Et ce fut bien le cas : une véritable guerre s’est déclenchée sur les eaux du lac Sava dès les premiers coups de pelles. Les Français sont partis très fort, ne ménageant pas leurs coups, avec des bord-à-bord en veux-tu en voilà sur les 2000 mètres du parcours. Et le contrat fut rempli sur la ligne d’arrivée : une quatrième place qui met dans la poche de l’équipe de France un nouveau quota olympique. “On a essayé de chercher la qualif’, explique Hugo Boucheron. Mais rien qu’en faisant ça, tu fais la course à fond”. C’est clair que personne n’allait pardonner la moindre erreur. ” On a essayé d’être acteurs et agressifs dès le départ, pour partir dans de bonnes conditions sur notre longueur, chercher l’efficience, le déplacement par coup”. Contrat rempli pour le duo tricolore.
Leur sort se jouera sur le Rotsee
Les deux de couple poids léger étaient attendus sur le lac Sava. Et pourtant, les voyants étaient au vert pour les deux bateaux. Pour Laura Tarantola et Claire Bové, une entrée dans la compétition qui ne s’est pas réalisé de la meilleure des manières les a mises dans une position inconfortable. Un passage par les repêchages a entraîné une attribution de lignes d’eau défavorable pour la suite, et quand on sait que les lignes d’eau ont été redistribuées à plusieurs reprises en raison des conditions météo, protégeant comme la règle le prévoit les meilleurs bateaux, elles n’ont pas pu s’employer comme elles savent le faire. Leur seule chance était de décrocher la première place en finale B. Face à elles, la crème de la discipline qui nourrissait le même objectif : qualifier la coque pour éviter la régate de rattrapage à Lucerne en mai 2024. Les deux rameuses ont mené leur course pendant un peu plus de 1500 mètres, mais sur une faute technique, elles cèdent leur avance à leurs concurrentes et passent la ligne en cinquième position, terminant au onzième rang mondial. “Elles ont fait une course ultra pleine, commente leur entraîneur Frédéric Perrier, c’est une finale très difficile, avec une seule place qualificative”. Les rameuses vont maintenant devoir passer outre leur déception. “C’est frustrant, ajoute Laura Tarantola, on gagne à deux, on perd à deux, on aura pu être meilleures aussi. On a tout tenté pour être dans le coup, on l’a bien joué, crânement, et il a manqué pas mal, comme depuis le début de la semaine, donc un peu frustrant. On a manqué un peu de tout, de forme, de bonne glisse, de chance au début des championnats, après tout le long on lutte contre les lignes d’eau, qui fait qu’on passe à côté et que c’est une contreperformance. Il faut qu’on prenne un peu de recul, pour revenir meilleures. Ce n’est pas fini, il reste encore deux places, il faut se serrer les coudes avec les garçons pour qu’on se qualifie avec eux”.
En effet, pour Hugo Beurey et Ferdinand Ludwig, l’aventure s’est arrêtée bien plus tôt. Deuxièmes en série le jour de l’ouverture des championnats, ils prenaient part trois jours plus tard aux quarts de finale. Contre eux les Grecs, médaillés de bronze aux championnats d’Europe, mais aussi contre les Chinois quatrièmes l’an dernier à Racice et les Tchèques quatrièmes eux aussi, mais aux Europe… Des concurrents qui ont rapidement pris l’ascendant face aux Français qui, troisièmes au passage du premier 500, ont décroché pour passer la ligne d’arrivée en cinquième position. Leur aventure s’est arrêtée là, avec le forfait médical d’Hugo Beurey. Le DTN admet que sur ce bateau en particulier, “il y a eu un souci dans la préparation, qu’il convient d’analyser. J’ai entière confiance dans cet équipage, nous ne l’avons pas amené ici au mieux, il y a eu des erreurs commises, à nous de rectifier le tir”.
D’autres embarcations ont-elles aussi laissé passer leur chance d’une qualification directe pour Paris. En para-aviron, on pense notamment au deux de couple mixte PR2 de Perle Bouge et Stéphane Tardieu. La Bayonnaise va elle aussi devoir trouver un nouveau coéquipier. En skiff PR1, le tout nouveau membre de l’équipe de France Alexis Sanchez n’a pas pu conquérir la première place de la finale B, synonyme de quota paralympique.
Violaine Aernoudts, Audrey Feutrie, Hélène Lefebvre et Jeanne Roche affrontaient le samedi des bateaux qu’elles ont déjà rencontrés sur les échéances précédentes, mais toutes les nations visaient cette première place synonyme de ticket pour les Jeux olympiques de Paris. Les rameuses tricolores ont pointé à la cinquième place au passage des premiers 500 mètres, avant de la céder aux Américaines et de passer la ligne d’arrivée en sixième position.
En parallèle, d’autres bateaux prenaient part aux championnats du monde sans véritable objectif de qualification, comme les skiffeurs poids léger. Baptiste Savaete et Aurélie Morizot ont tous deux réalisé un parcours exemplaire, entrant de belle manière en finale A de leur discipline respective, ne parvenant pas toutefois à décrocher une médaille. Mais démontrant une valeur qui en fait de parfaits membres du collectif poids léger, disponibles au cas où…
Marie Jacquet en skiff féminin, mais aussi Armand Pfister et Florian Ludwig en deux sans barreur masculin, ont tous achevé leur parcours à Belgrade en finales de classement. Des performances à souligner : pour la skiffeuse, elle a validé une saison de reprise après blessure, et les deux rameurs, médaillés en U23, ont eux aussi démontré qu’ils avaient du répondant même à très haut niveau.
En deux sans barreur, Agathe Oudet et Emma Cornelis, un temps remplacée par Joséphine Cornut-Danjou, ont elles aussi terminé leur parcours à Belgrade en finale de classement. Un important travail sur la pointe féminine est à mener, à n’en pas douter, mais le groupe est là et a montré sa détermination et sa motivation. La qualification sera, quant à elle, très compliquée à atteindre.
“Le pourquoi, on ne peut pas y répondre de manière globale, explique Sébastien Vieilledent, car dans ces résultats, on se retrouve avec des cas spécifiques. Déjà des réussites, car il n’y a pas eu que des contreperformances, avec des bateaux à l’heure sur la feuille de route comme le quatre sans batteur, le deux de couple féminin, avec le deux de couple masculin qui était venu chercher une qualification ici. Pour les deux premiers, il ne fallait pas leur demander cette année d’aller chercher plus que les résultats prévus sur la feuille de route jusqu’à Paris. On a vu pendant une semaine des courses engagées, d’une densité et d’un niveau hallucinants. Loin de moi de penser demander à ces bateaux en construction de palier à la non-réussite de nos bateaux phares. Pour le reste, on n’est pas à nos objectifs ; il y a des explications très claires. Maintenant, on n’est pas déçus, on est concentrés, nos objectifs pour Paris sont toujours atteignables. Il y a des explications très claires qu’on est en train d’analyser sur les bateaux qui ne sont pas à l’heure. Pas de catastrophisme, mais de l’objectivité à avoir, ne pas se mentir et de manière simple et factuelle, on va faire remonter les manques et les erreurs commises, les points gérés, peut-être mal. On a ce potentiel de trois médailles à Paris, mais on n’a pas de marge. Mais quand on un double TC en difficulté de par la situation de Matthieu Androdias, quand on a un double poids léger hommes qui gagne à Lucerne devant les champions olympiques en titre, devant les champions du monde ici et qu’on ne les a pas en pleine possession de leurs moyens, que le deux de couple femmes PL ne démarre pas la compétition sur de bonnes bases… on est donc dans la difficulté tout de suite. Aller au combat sans toutes ses armes, c’est frustrant. Le bateau France a chahuté pendant la semaine, mais tout l’équipage s’est rapproché et a regardé ses responsabilités en face”
Le potentiel est là, mais il n’y a pas de marge. C’est la phrase que répète le DTN depuis son arrivée aux commandes. Belgrade 2023 en a fait la preuve. Et quand la marge est réduite, la ligne d’eau d’à côté ne fait pas de cadeau. On en veut pour preuve les affrontements, les véritables joutes auxquelles se sont livrées les embarcations, sur des championnats très disputées, témoignant d’un niveau international qui monte d’année en année. Les Jeux olympiques ont commencé à se courir sur le lac Sava, un peu comme si la Serbie avait accueilli les premières séries de Paris…