Paris 2024 : dernières courses pour les Bleus
2 août 2024Cinq médailles pour les Français à St Catharines
26 août 2024Le bilan chiffré de la régate olympique de Paris 2024 parle de lui-même. L’aviron français n’a décroché aucune médaille à la maison. Le DTN Sébastien Vieilledent a annoncé avoir missionné Jürgen Gröbler et son encadrement technique pour réaliser une analyse très fine, bateau par bateau, pour comprendre ce qu’il s’est passé.
7 ans qu’on les attendait. 7 ans qu’on s’en faisait une fête. Même si l’engouement a eu du mal à prendre dans la population, même s’ils ont été décriés, il suffit de voir ce qu’il se passe en France pour se rendre compte que le pays tout entier a adhéré aux Jeux de Paris 2024. Les fan zones affichent complet, tout comme le Club France qui ne désemplit pas pour célébrer les médaillés… Et il faut dire qu’elles ont été nombreuses, les médailles françaises, en cette première semaine des Jeux olympiques… sauf en aviron. Pour voir des médailles tricolores à Vaires-sur-Marne, c’est du côté du stade d’eaux vives qu’il fallait regarder, en canoë slalom.
Trêve d’ironie, la situation ne prête pas du tout à sourire, au contraire, elle traduit un malaise, ou plusieurs.
Car la réalité commence déjà par un bilan chiffré. La dernière fois dans l’histoire des Jeux que l’aviron français n’avait décroché aucune médaille, c’était en 1992. Mais sur sept bateaux, six entraient en finales A. A Paris, sur cinq bateaux, un seul entre en grande finale et termine à la cinquième place. “Tous sont finalistes olympiques”, lance le directeur technique national Sébastien Vieilledent. Une bien maigre consolation aussi bien pour l’aviron français que pour le public… et surtout les athlètes ! Car comme ces derniers le disaient et le DTN le confirmait, ils n’étaient pas venus à Paris pour courir en finale B. Surtout devant un public qui, même déçu, ne leur a pas tenu rigueur des résultats, continue à les encourager à chaque coup de pelle. Un soutien qui a fait du bien et qui, des mots-mêmes des rameuses et rameurs, a été un élément déterminant. Même pour ceux qui, avant les Jeux, disaient qu’ils en feraient abstraction pour ne pas en faire un facteur déterminant de la réussite ou de distraction. Tous les équipages ont voulu, en finales B, rendre hommage aux supporters parés de bleu, blanc et rouge et qui ont, pour nombre d’entre eux, ont enchaîné les journées sur le bassin, sous un soleil de plomb et dans une chaleur étouffante.
Un bilan sportif en berne
Du côté sportif, on notera un quasi sans faute du deux de couple féminin. Un bateau formé il y a moins de deux mois, réunissant Emma Lunatti, titulaire de l’embarcation depuis la saison 2023, et Elodie Ravera-Scaramozzino qui, à l’issue des mondiaux de beach rowing sprint à Barletta, avait annoncé vouloir retourner à l’aviron classique. Un retour réussi, après un passage en quatre de couple, lorsqu’elle fut préférée à Margaux Bailleul pour s’aligner sur ces Jeux.
Le deux de couple masculin, champion olympique à Tokyo, ne dépasse pas la finale B. Hugo Boucheron et Matthieu Androdias terminent finalistes olympiques à la huitième place, tout comme le quatre sans barreur masculin avec Thibaud Turlan, Guillaume Turlan, Benoît Brunet et Téo Rayet. “Un pur produit Jürgen Gröbler”, notait le DTN en zone mixte hier… Un consultant sur la haute performance dont on se pose la question de l’héritage et du véritable suivi des conseils par l’encadrement technique, avec des voix qui commencent à s’élever… On peut se poser également cette question aux dires des athlètes qui sont arrivés à Paris visiblement fatigués, avec un pic de forme, comme l’a confirmé Emma Lunatti, pas forcément au rendez-vous au bon moment. Il suffit de voir les finales B des deux doubles PL qui remportent leur finale B avec un schéma de course comme on le connaît.
Un audit interne pour identifier les problèmes
Des résultats qui ne sont pas là, et qui posent des questions, auxquelles un audit commandé par le DTN va devoir répondre. “Bien entendu, on n’est pas satisfait du résultat, et c’est pour ça que j’ai demandé à Jürgen Gröbler et à l’encadrement technique il y a 72 heures de se lancer dans un travail précis d’analyse de l’olympiade, de la saison, sur lequel on devra regarder précisément, bateau par bateau, ce qu’il s’est passé. Quand on regarde plus globalement, deux médailles étaient réellement envisageables, trois c’était peut-être trop surdimensionné par rapport à notre potentiel, les deux bateaux PL. On n’était pas si loin que ça. Mais comme on avait ce potentiel-là mais pas de marge, on ne pouvait pas se permettre de passer à côté de la médaille du double homme poids léger, du double femme poids léger, et de celle de nos deux champions olympiques, et on n’a pas été capable de le faire. Il va falloir maintenant regarder dans le détail pourquoi on n’a pas réussi. On va le faire sans concession, dans le calme et de manière collaborative. Toutes les parties prenantes seront intégrées. L’avenir de l’aviron français en dépend, et je pèse mes mots”. Pas forcément simple quand les parties seront aussi les juges… Un DTN qui remonte dans le temps pour tenter de trouver une première explication : “au sortir de Tokyo, quand on se retourne avec quelques rameurs et rameuses pour lancer la campagne parisienne, la Fédération aurait dû préparer cette campagne dès 2017 pour retravailler le recrutement, la détection, la formation des athlètes, la montée en puissance et l’accompagnement des talents. Attaquer les enjeux des Jeux à la maison en trois ans, c’est complexe”.
Les moyens néanmoins étaient là, personne ne le nie. “On n’a jamais été aidés comme ça, poursuit le DTN, que ce soit par nos partenaires institutionnels, nos partenaires, on n’a jamais eu autant d’aide pour préparer ces Jeux, jamais eu une telle mise en place autour de ces équipes pour faire monter l’encadrement de nos sportifs”.
Le recrutement ne sera pas simple
Le contrat de Jürgen Gröbler s’arrête au 31 décembre 2024. Et après ? La Fédération française d’aviron a relancé une offre d’emploi concernant la direction des équipes de France. L’accompagnement des clubs dans les territoires, pour retravailler la base, sera important. Mais on peut déjà se poser la question du recrutement. En recevant l’Euro de football ou la coupe du monde de rugby, la FFF et la FFR ont bénéficié d’un effet booster sur leur nombre de licenciés. L’aviron est un sport auquel le Français lambda ne s’intéresse qu’une fois tous les quatre ans, aux Jeux olympiques devant sa télévision ; et il est très certainement resté sur sa faim, rabattant son intérêt sur la natation, voire sur le canoë où la France a déjà décroché deux médailles, à Vaires-sur-Marne mais à une centaine de mètres du stade nautique olympique. Seule une bonne visibilité médiatique peut lui permettre de se faire connaître et d’attirer de nouveaux pratiquants. Qu’en sera-t-il avec un désintérêt des médias, au regard de résultats peu probants ? Ces résultats ont un autre effet moins visible au premier abord, et pourtant il concerne la visibilité. Celle de l’aviron international. Les Jeux sont à Paris, et même si les médias étrangers se focalisent sur leurs compatriotes qui – à l’inverse des Français – remportent des médailles, tout le monde scrute toujours les performances de l’équipe du pays hôte. La médaille d’or de l’équipe de rugby à 7, Léon Marchand qui empoche quatre titres olympiques en un temps record… les médias à travers le monde en parlent, le Comité international olympique les abreuve en continu d’informations par le biais de sa plateforme myinfo… Mais pour l’aviron, quasiment pas une ligne !
LE CNE, solution miracle ?
En prenant ses missions, Jürgen Gröbler avait alerté sur l’éclatement du haut niveau sur cinq lieux différents, appelant de ses vœux à la création d’un centre national d’entraînement, à l’instar de nombreuses nations qui performent. En attendant, les athlètes avaient été regroupés par projet sur deux pôles : Lyon et l’Insep. Le CNE devrait toutefois bientôt sortir des cartons et son emplacement sera connu avant les Jeux paralympiques. Lyon ou Vaires ? Ce n’est pas qu’une histoire d’annonce, la décision ne serait pas encore prise, même si tout le monde l’attend. “Mais ce n’est pas la décision la plus importante, ajoute Sébastien Vieilledent, la plus importante, c’est le travail de la base. La pointe de la pyramide, sans la base, ne fonctionnera pas. On aura beau avoir le plus beau CNE qui existe, si on n’a personne à mettre dedans, ça va être compliqué. Ca fait des années qu’on surfe sur un système qui a donné ses dernières gouttes. On aurait pu le voir à Tokyo, mais on le voit ici, à Paris, c’est ce qui fait mal”.
Un audit et des annonces dont les résultats sont attendus par toute la famille de l’aviron français qui va avoir du mal à se relever d’un bilan très sombre, pour ces Jeux à la maison. Mais il est urgent d’agir car tout le monde est unanime sur ce point, l’avenir de l’aviron en dépend.