Journal de bord d’un média à Tokyo 2020, épisode 1 – Avant de partir…

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Prendre part aux Jeux olympiques est un premier aboutissement dans la quête du Graal pour un sportif, le terme final de cette quête restant le titre suprême et la médaille d’or qui va avec. Pour un média, cette quête est quasiment similaire. Elle commence par l’obtention d’un rectangle plastifié d’environ 20 centimètres par 10 : la carte d’identité et d’accréditation olympique (plus communément dénommée accred’ par les initiés et ses détenteurs), un club restreint de plusieurs milliers de personnes sur l’événement olympique ! La quête se poursuit et s’achève sur la photo parfaite ou l’article parfait, la production qui sera liée généralement à la plus belle performance du sport que l’on suit.
Pour les novices, elle comporte des runes indéchiffrables. Pour les habitués, ce sont les différents sésames qui ouvrent certains accès, ou les ferment.

Accrédité ! Et alors ?

Mais même une fois que l’accréditation vous a été attribuée, que le comité d’organisation est en train de l’imprimer, de l’emballer dans un écrin et de préparer son expédition à votre comité national olympique, un autre parcours du combattant s’étale devant vous. Du moins, pour des Jeux olympiques avec un contexte de crise sanitaire comme celui que traverse la planète actuellement. Habituellement, une fois votre demande d’accréditation acceptée, vous pouvez réserver avion et hôtel, prévoir quelques réjouissances en marge de la compétition. Pour cette édition, les choses ne sont pas aussi simples… Dans le meilleur des cas, elles sont encadrées, dans le pire des cas tout simplement interdites !
Un système, ou plutôt un empilement de systèmes a été mis en place par le Tocog (comité d’organisation des Jeux de Tokyo). Le premier s’appelle l’ADS : arrival and departure system. C’est à lui que vous devez, une fois vos billets d’avion en poche, déclarer votre date d’arrivée sur le territoire japonais, et votre date de départ. Une fois en mesure de vous déplacer, il faut vous loger. Si l’année dernière, on pouvait dormir où l’on veut, ce n’est plus le cas en 2021 avec la Covid-19 : l’hébergement doit pouvoir répondre aux normes drastiques du Tocog en matière sanitaire ou, encore mieux, il faut choisir un hôtel parmi ceux qui sont référencés. S’en suit donc la galère de l’annulation, même si Tokyo 2020 garantit prendre en charge les frais engendrés. Et bien entendu, tout doit être saisi sur un site internet dédié !

Icon : big brother is watching you !

Mais le meilleur — ou le pire — reste à venir ! Prenez toutes ces informations, secouez-les, ajoutez-y tests PCR, prises de température, assurance, documents d’identité… et vous obtenez Icon (en développé Infection Control). Et là, l’image de l’usine à gaz est un euphémisme : ce nouveau site Internet rassemble l’ensemble des données déjà communiquées au Tocog, mais il vous faudra les ressaisir ! Ou plutôt, remplir un tableau Excel à la sécurité implacable : même avec le code d’accès, il vous est parfois impossible de l’ouvrir. Ou plutôt deux tableaux Excel ! Le premier s’intitule Activity plan. En effet, plus d’un mois avant d’arriver, vous devez savoir ce que vous allez faire sur place. Dans un sens, ce n’est pas trop compliqué, vous ne pouvez aller nulle part ailleurs que les endroits qui sont indispensables à votre activité : site de compétition, hôtel, le fameux MPC (main press center)… la maison de votre CNO s’il en a une. Vous bénissez ainsi le CNOSF d’avoir finalement installé un Club France à Tokyo, un lieu qui vous permet de prendre l’air. Car même prendre l’air en dehors des lieux déclarés dans l’Activity plan est interdit, ou tout du moins limité à 15 minutes. Une durée vérifiée par le staff de votre hébergement. Exit les bars, restaurants, sites touristiques : vous êtes au Japon pour travailler, pas pour vous promener ! Mêler l’utile à l’agréable ne fait pas partir des standards olympiques. Ou tout du moins, plus en 2021. Ce plan d’activités est ensuite soumis par Internet au gouvernement japonais qui doit le valider avant votre départ.

La théorie… et la pratique

Mais tout ceci n’est que de la théorie. Deux mois avant votre départ, Icon vous demande de choisir dans votre équipe un CLO : un officier de liaison Covid qui aura en charge l’ensemble de ces déclarations et leur suivi, mais aussi le suivi de vos actions dans d’autres outils. Vous devez en effet indiquer dans une application appelée Ocha vos données de santé chaque jour (température, symptômes éventuels…), application qui vous servira de sésame pour prendre des taxis dédiés au transport des médias (les TCT — transport by chartered taxi), qui permet aux autorités de vérifier votre état de santé, sur vos déclarations ! Une autre application, Cocoa, devra également être téléchargée : c’est un peu la “Tous Anti-Covid” locale, en plus simple : elle ne sert qu’à vous avertir en cas de contact à risque.
Tout ceci, c’est quand ça fonctionne… Le jour du départ approche et toujours pas de confirmation du plan d’activités, ni d’accès à Icon qui vous informe que vous n’êtes pas déclarés dans le système… Mais sans lien pour activer votre compte, malgré un nombre important de mails envoyés au Tocog pour les en avertir, mais possible de déclarer quoi que ce soit. Pourtant vous recevez les incessants mails vous rappelant vos obligations, notamment l’interdiction de fréquenter des bars où des accrédités ont été repérés…

Fabrice Petit

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