A Los Angeles, en 2028, les épreuves d’aviron se dérouleront dans deux lieux : le Long beach marine stadium pour l’aviron olympique, mais aussi sur les célèbres plages de LA pour le beach rowing sprint, dont l’entrée au programme olympique a été annoncée le 13 octobre dernier.

Pour comprendre ce qui s’est dessiné la semaine dernière, il faut remonter en 2016, à l’issue des Jeux olympiques de Rio. La France y avait décroché le bronze en quatre sans barreur masculin poids léger. Un bateau pour qui allait sonner l’hallali, quelques mois plus tard. L’objectif était alors d’appliquer la parité aux épreuves des Jeux olympiques. Le programme de l’aviron comportait alors deux disciplines exclusivement masculines : le quatre sans barreur et son homologue en PL. Et c’est ce dernier qui fera alors les frais de l’égalité hommes-femmes, au profit du quatre sans barreur féminin. La chronique d’une mort annoncée qui allait logiquement en annoncer une autre. En 2017, à Sarasota, Jean-Christophe Rolland, président de World Rowing, prévient : « le monde change, tous les sports sont en compétition pour entrer au programme des Jeux, l’aviron n’est pas protégé ». Un avertissement qui laissait présager que le quatre sans barreur poids léger ne serait peut-être pas le seul bateau à disparaître. Car plus globalement, ce sont les poids légers qui étaient alors dans le collimateur du CIO, et de son président Thomas Bach. Ce dernier, présent aux championnats du monde de Plovdiv en 2018, n’avait pas manqué de le faire remarquer. « Quand je vois les nations qui sont présentes ici en poids léger, quand je vois les temps qui les séparent des épreuves toutes catégories, je ne vois quasiment pas de différence. L’universalité n’est plus en question ». Car c’est bien sous couvert d’universalité que les épreuves poids léger avaient été portées au programme olympique, afin de permettre à certaines nations qui n’ont pas forcément le même gabarit d’athlètes, de s’inscrire dans une discipline où elles pouvaient avoir davantage de chance.
Si l’on savait que les deux de couple PL étaient sauvés pour les Jeux de Tokyo, tout le monde s’attendait à leur disparition dès les Jeux olympiques de Paris. Et de leur remplacement par l’aviron de mer. Car c’était à l’époque un projet lancé par World Rowing. L’objectif premier était de ne pas perdre le nombre d’athlètes dont dispose notre sport aux Jeux, en remplaçant une discipline par une autre. Mais la surprise était alors tombée : les sigles LM2X et LW2X figuraient toujours au menu des Jeux en France. Chacun savait toutefois que le couperet allait tomber, et qu’il fallait une nouvelle fois se préparer, anticiper, être proactif, comme aime le dire Jean-Christophe Rolland.
D’autant plus qu’une nouvelle discipline émergeait tranquillement : le beach rowing sprint. Il avait fait son apparition en 2015 aux Jeux méditerranéens de place à Pescara en Italie. La discipline consiste en l’addition d’un parcours sur l’eau, mais aussi au sol. 50 mètres à courir sur le sable avant de rejoindre son bateau, puis de ramer dans un couloir de 250 mètres tout en slalomant autour de bouées, avant de refaire le même parcours pour rejoindre la plage, d’entamer un sprint jusqu’à un buzzer. Des parcours en duel, qui font appel à de nombreuses qualités chez un athlète comme l’adaptabilité, la rapidité, la technique… Une discipline plus attractive, plus ludique, susceptible d’attirer le public avec un côté plus « fun »… et qui s’est développée en parallèle de ce que l’on appelle l’enduro, l’aviron de mer classique sur une longue distance.

World Rowing, qui a entamé un travail auprès du CIO pour ne pas figurer dans les perdants du programme de Los Angeles 2028, fait alors son choix et l’annonce en septembre 2022 à Racice, lors des championnats du monde : c’est le beach rowing qui sera présenté au CIO pour remplacer les doubles poids légers. S’en est suivi alors le long feuilleton que l’on vous a exposé vendredi, sans véritable rebondissements, mais une frustration qui commençait à s’installer, avec une attente qui devenait interminable, même si Jean-Christophe Rolland avait prévenu très tôt que la décision pourrait attendre l’automne. Et c’est bien en automne qu’elle est tombée, mais l’attente le valait. Vincent Gaillard, directeur exécutif de World Rowing, a réagi pour Mag Aviron à cette décision. « C’est une très grande nouvelle, à laquele on travaille depuis plusieurs années, elle est ultra positive. Nous sommes aussi la seule fédération existante au programme à avoir obtenu une discipline supplémentaire, cela en dit long sur la qualité de ce qu’on propose. On a pris le temps qu’il fallait pour expliquer aux décisionnaires, avoir une proposition claire, surtout en ce qu’elle amenait et pouvait amener au programme de LA 2028, notamment sur le plan du coût et de la complexité, c’est une offre excitante mais faisable avec un coût limité, sur un site partagé pendant deux ou trois jours maximum, avec un quota d’athlètes limité ». Le programme qui se murmure un peu partout – solo homme, solo femme et double mixte – ne sera définitivement pas arrêté avant la fin de l’année 2024. Quant à la localisation, elle n’est pas figée non plus : « différentes pistes ont été évoquées lorsque nous sommes allés à Los Angeles en début d’année, commente Vincent Gaillard, mais il n’y a pas encore eu de discussion sérieuse. On partagera avec un autre sport comme le beach volley, le triathlon, la nage en eaux libres ou le surf ». Long beach, Santa Monica, des noms qui évoquent le soleil et le sable dans l’esprit de chacun et qui pourraient accueillir le beach rowing sprint.
Le beach rowing sprint pourrait-il séduire au point de remplacer l’aviron traditionnel ? « Nous n’avons pas peur pour le 2000 mètres, conclut le directeur exécutif de World Rowing. A nous de nous assurer que l’aviron reste attractif, son calendrier également. Ce sont des sports différents, qui vont attirer deux populations différentes. On continue de travailler pour que la discipline classique reste attractive, notamment avec notre projet de réforme du calendrier qui sera finalisé en 2025, mais nous n’avons pas de crainte du tout. Notre ambition est d’offrir différentes formes d’aviron à différentes populations, et pas au détriment de notre discipline historique.