L’équipe de France olympique d’aviron… de 1924

» L’équipe de France olympique d’aviron… de 1924

Dans quelques mois, les Jeux olympiques de Paris 2024, ceux de la XXXIIIe olympiade, vont débuter. Il y a 100 ans, Paris accueillait ceux de la VIIIe olympiade. Mag Aviron vous propose de découvrir l’équipe de France de l’époque.

L’Europe sort traumatisée de la Grande Guerre et de son horreur. Pierre de Coubertin a tout fait pour relancer l’olympisme brisé dans son élan. Le « plus jamais ça » prévaut sur fond d’instabilité économique alimentée par les dettes de guerre et les rancunes historiques. Les femmes devenues indispensables en soutien de l’effort de guerre font leurs premiers pas sur la voie de l’émancipation à l’instar de La Ruche Sportive Féminine, club d’aviron créé en 1920. De 1924 à 1926, en France, le Cartel des gauches prend une première fois le pouvoir. Il reviendra en 1936 pour le Front Populaire. Quelques années plus tard, en 1929, Marcel Carné réalise « Nogent, Eldorado du dimanche ».

Pierre de Coubertin annonce sa retraite à l’occasion des jeux olympiques d’été de 1924. Pour répondre à son souhait de voir son pays à nouveau organisateur des jeux après ceux de 1900, “jeux oubliés” selon la formule de l’historien André Drevon, après Anvers en 1920, le CIO (Comité International Olympique) en 1921 attribue les jeux à la France et à Paris. Il décide ensuite que les jeux seront séparés en deux temps : été à Paris et hiver à Chamonix. Enfin, la transformation du stade du Racing Club de France ainsi que l’établissement d’un village olympique feront de Colombes l’épicentre de ces jeux.

Les jeux de 1924 ont été portés à l’écran par Hugh Hudson dans « Les Chariots de feu » qui décrit l’histoire de deux athlètes britanniques sur fond d’engagement, de croyance religieuse et d’antisémitisme. Au cours de ces jeux, “les finlandais volants” se sont bien illustrés, représentés notamment par Paavo Nurmi gagnant cinq médailles d’or, et aussi le nageur Johnny Weissmuller, futur interprète du rôle de Tarzan, qui remporte trois médailles d’or et une médaille de bronze en natation.

A la recherche d’un bassin d’aviron le plus proche possible de Colombes, l’Union des Fédérations des Sociétés Françaises d’Aviron (UFSFA) et le Comité Olympique aidés de la Commission Technique créée pour l’occasion et composée de Mrs Brun, Cadiot, Delchambre, Flouest, Mahut, Marechal, Patry et Bouttemy, vont s’accorder sur le bassin d’Argenteuil entre la pointe de l’Ile Saint Denis et le pont du chemin de fer de l’Etat à Argenteuil. Aujourd’hui ce bassin est régulièrement sillonné par les bateaux du COMA Aviron (Club Olympique Multisports d’Argenteuil) situé quelques centaines de mètres en aval du pont de chemin de fer. Il est bordé par des routes et des bâtiments industriels, tel qu’il est difficile d’imaginer ce qu’il fût, bordé de prairies et d’arbres.

En 1923, L’UFSFA, qui a changé de nom (auparavant FFSA) reconnue d’utilité publique en 1922, compte 116 sociétés affiliées. Son président est Albert Glandaz, figure emblématique des sports nautiques en France. Ce dernier est aussi vice-président du Comité exécutif des jeux de la VIIIème olympiade.

Alexandre Lein, interrogé par R.Peyronnet de Torres pour « Le Miroir des Sports » déplore au mois de février 1924 l’absence de préparation olympique. Les mêmes remarques sont faites dans le bulletin de la Société Nautique de la Marne en avril 1924 : « La préparation olympique : Elle n’a fait … aucun progrès. Malgré les différents avis exposés par la Presse et les discussions autour du tapis vert, nous en sommes encore à rechercher les moyens pour améliorer notre préparation. » A ce moment-là, l’équipe olympique n’est pas constituée et aucun entraîneur n’est nommé pour les suivre. Il semble bien que ce soit le même Alexandre Lein, ancien rameur et constructeur de bateau qui est ensuite nommé pour préparer les équipes. Mais le temps est compté et très court entre les régates de qualification et le tournoi olympique. Des régates préolympiques ou olympiques sont organisées au mois de juin. Elles permettent de constituer l’équipe olympique. Sans doute les équipes parisiennes s’entraînent-elles sous son l’œil attentif du « maître » Lein , sur la Marne, où il a ses garages. Les équipes de province arrivent probablement peu avant les compétitions, sans beaucoup plus de préparation. Dans ce contexte, il est difficile de briller face à des bateaux universitaires constitués et préparés de longue date.

Les épreuves d’aviron des jeux olympiques de 1924 ont lieu du 13 au 17 juillet. 18 nations doivent participer en aviron. Au final 10 nations participent avec 95 rameurs et barreurs, toutes en ligne pour le huit et le quatre avec barreur. Cette compétition réunit le plus faible contingent de participants. La raison invoquée est celle du coût élevé du matériel et de son transport. Les spectateurs ne sont pas non plus au rendez-vous et les régates se disputent devant un public clairsemé. La faute au Comité d’Organisation olympique a qui la fédération reproche le manque de publicité et l’absence d’infrastructures nécessaires au transport des spectateurs. Les épreuves du programme des jeux de 1900 sont le 4+ (quatre en pointe avec barreur), le 1X (skiff), le 2+ (deux de pointe avec barreur), le 2X (double-scull ou deux de couple) et le 8+ (huit de pointe avec barreur). Elles sont augmentées en 1924 avec le 4- (quatre de pointe sans barreur) et le 2- (deux de pointe sans barreur). Les Etats-Unis, suivi de la Suisse puis de la Grande Bretagne, l’emporte au classement général. La France est 4ème.

L’équipe olympique se compose de :

1X : Marc Detton (23 ans) (Encou) (champion de France 24 et 25) qui abandonne en repéchages

2X : Jean-Pierre Stock (24 ans) – Marc Detton (Encou) (champion de France 23, 24 et 25) 2ème en finale

2- : Maurice Bouton (32 ans) – Georges Piot (28 ans) (SNMarne, aujourd’hui AMJ) (champion de France 24 et 25) 2èmeen finale

2+ : E.Constant (23 ans) – R.Talleux (23 ans) barreur Lepan (ENBoulogne) (champion de France 23 et 24) 4ème en finale (voir photo du 4+)

4- : T.Cremnitz (35 ans) – J.Camuset (31 ans) – A.Bonzano (19 ans) -H.Bonzano (21 ans) (SNMarne, aujourd’hui AMJ) 4ème en finale

En 8 dans l’équipe de la SNM du match Rowing-Marne

4+ : Eugène Constant – Louis Gressier (27 ans) – Georges Lecointe (27 ans) – Raymond Talleux barreur Emile Barberolle (ENBoulogne sauf le barreur de la SNMarne) (champion de France 24) 2ème en finale

Selon le rapport officiel, le barreur Lepan a barré le 2+ et c’est Emile Barberolle de la SNMarne (en coin dans la photo) qui a barré le 4+

8+ : A.E. Oriol (22 ans) – F.E.Oriol (24 ans) – L.Carlier (22 ans) – H.Gatineau (27 ans) – A.Lancelot (24 ans) – M.Baudechon (34 ans) – H.Menard (22 ans) – M.Fourny (24 ans) barreur Betout (RCParis) (champion de France 24) Non classés dans la 1ère série

Deux différences entre cette photo et le rapport officiel : Ruffier des Aimes et Decourt ont été remplacé par Baudechon et Betout pour la course (Pour ces derniers, malheureusement, nous n’avons pas trouvé de photos malgré nos recherches auprès du CIO, du CNOSF ou de la FFA. Peut-être le RCP en possède-t’il ?).

Quelles personnalités marquent ces Jeux de 1924 ?

– Albert Glandaz, qui passera la main de la présidence de l’UFSFA en 1925 après 21 années de présidence, peut-être un peu las des querelles de « comitards » qui secouent la fédération,

– Maurice Bouton, champion d’Europe et champion de France en 2+ en 1913, puis en 1920 (avant et après la guerre), médaille d’argent aux jeux olympiques d’Anvers en 1920 et encore médaille d’argent à Paris en 1924,

– Emile Barberolle, barreur du 4+ et barreur émérite de la SNMarne que l’on retrouve sur de nombreuses photos d’époque et qui a certainement marqué des générations de rameurs par sa passion et son enthousiasme

Du haut de leur panthéon, gageons qu’ils regardent les rameurs de 2024, les encouragent et leur souhaitent les meilleurs résultats possibles.

Etienne Chopot pour Histoire Aviron (Association pour la recherche et la promotion de l’histoire de l’aviron en France – www.histoire-aviron.fr)

Bibliographie :

1-Marc Ventouillac, Les grandes heures de l’aviron français, Editions L’Equipe, 2015
2-Jean-Louis Meuret, Le livre du centenaire de la FISA, Editions FISA, 1992
3-Commission historique du centenaire, Cent ans d’une grande fédération 1890-1990, FFSA, 1990
4-UFSFA, Annuaire français de l’aviron 1925-1926, 12ème édition, UFSFA, 1926
5-Jean-Pierre Drivet, Aviron et rameurs de France, AAA, 1983
6-Comité Olympique Français, Les Jeux de la VIIIème Olympiade, Paris 1924, Rapport Officiel, Editions Librairie de France, 1924
7-R.Peyronnet de Torres, Une visite sur les bords de Marne, au « Maître » Alexandre Lein, ancien champion rameur, constructeur de bateaux et entraîneur d’aviron. Les idées du « maître » sur la préparation olympique de nos rameurs, Le Miroir des Sports du 21 février 1924, n°190
8-L’Aviron, organe spécial du Rowing, 29 décembre 1923, n°11
9-Société Nautique de la Marne, Bulletin, Avril 1924, n°43
10-André Drevon, Les jeux olympiques oubliés, Paris 1900, CNRS Editions, 2000

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