A quelques jours du début du stage terminal de préparation pour les mondiaux de Belgrade, Mag Aviron revient sur les performances des Français à Lucerne.

Trois années sur quatre dans une olympiade, le circuit de la coupe du monde de World Rowing s’achève à Lucerne. Un circuit auquel on peut participer sans forcément se rendre sur les trois étapes, mais celle-ci est la plus prisée. La ville de Lucerne est connue dans le monde de l’aviron pour son Rotsee comme, de manière plus générale, la Suisse l’est pour son chocolat. Le lac des dieux, comme on le surnomme dans le milieu. Le lac sur lequel chaque rameuse ou rameur espère un jour pouvoir poser son bateau, car il est synonyme de réussite, de reconnaissance du niveau, un peu comme la Rolex l’est pour les quinquagénaires, selon un ancien président de la République française.
C’est donc l’étape à ne pas manquer, celle qui remporte un franc succès auprès des nations qui sont nombreuses à y prendre part (même si la Suisse reste une destination de moins en moins accessible…) : elles étaient 52 cette année, avec près de 700 athlètes dans les seize disciplines du programme, dont quatorze olympiques. A deux mois de la qualification olympique, le rendez-vous a son importance !
Le début de saison fut long. Pour certains équipages qui ont participé aux régates de Duisbourg, Lucerne est le quatrième rendez-vous international. Pour d’autres, c’est le premier dans cette composition, à l’instar du deux de couple masculin. Matthieu Androdias, forfait à Varèse et dont le retour était dans un premier temps annoncé pour Lucerne, est toujours au repos, se remettant des suites d’une infection. Hugo Boucheron a donc été associé à Valentin Onfroy, dix jours avant de s’aligner sur le Rotsee. Emma Cornelis et Adèle Brosse ont pris le départ des courses de Lucerne en deux sans barreur, une première dans cette composition…
Il y avait donc de la nouveauté à Lucerne, mais aussi de la fatigue… Le directeur technique national Sébastien Vieilledent nous l’a confirmé : « On n’est pas arrivés à Lucerne en pleine possession de nos moyens et on ne voulait pas l’être. On sort d’un important travail, on est sur la fin d’un gros cycle d’entraînement ». C’est pourquoi, lorsque l’on aborde le résultat de cette dernière étape de coupe du monde du point de vue du bilan chiffré, la réponse est immédiate. « On a certes eu cinq médailles à Varèse, et deux ici. Déjà, ce n’était pas au même moment de la saison, ni la même densité. Et c’est en septembre qu’il faudra être vraiment prêt ».
Toutes les embarcations n’ont en effet pas connu le même parcours qu’en Italie trois semaines plus tôt. Elles n’y étaient d’ailleurs pas présentes de la même façon.
Deux bateaux médaillés
La première performance à noter est celle du deux de couple poids léger masculin. Hugo Beurey et Ferdinand Ludwig avaient décroché l’argent en Italie, ils ont à Lucerne remporté l’or. Un métal qui, sur le Rotsee, prend tout son sens. « Ca fait plaisir de réussir à devancer les Suisses et les Irlandais, commentait Hugo Beurey. C’est une régate de travail avant d’entrer en stage terminal. Aujourd’hui, on sentait qu’on avait plus de jus que vendredi et qu’on pouvait jouer quelque chose. Avec les Irlandais à côté, ça nous a incités à pousser dans le troisième 500, où on est moins bons. Quand on a vu dans les derniers 250 mètres qu’on n’était pas loin, on a remis un coup ». Un constat partagé par le DTN : « ils ont mis le bateau champion olympique derrière eux, on ne peut qu’être contents de leur parcours ».
Un autre rameur qui s’est distingué à Lucerne, c’est Baptiste Savaete, en skiff poids léger. L’Aixois a su tirer son épingle du jeu à chaque course, et a remporté le bronze, comme à Varèse. « Cette médaille a un goût spécial, lançait-il, c’est la troisième manche, c’est Lucerne. C’est là que Jérémie Azou et Pierre Houin ont été médaillés, c’est là que se déroule la régate de la mort. Faire une médaille ici, c’est un rêve de gosse. Et ce lac, ça me rappelle chez moi ». Le DTN a salué la hargne du rameur et son esprit de compétition. Mais aussi l’importance qu’auront les skiffeurs poids légers dans la suite de la saison, aussi bien individuellement qu’en cas de blessure d’un des titulaires des doubles PL, bateaux olympiques : le besoin de remplacer au pied levé pour qualifier la coque.
Les finalistes
Car Aurélie Morizot a elle aussi brillé sur le Rotsee, en entrant en finale A. Une finale A qu’elle a bouclée en sixième position, esseulée en ligne d’eau 6 et exposé au vent qui s’est invité, tantôt faiblement, tantôt plus fortement, dans la compétition. Elle aussi va prendre part au stage terminal qui commencer dès le 17 juillet dans les pôles, avant que l’ensemble de l’équipe OLY (projet olympique pour Paris 2024) ne se rassemble à Soustons.
D’autres bateaux sont entrés en finales A sur le Rotsee. Laura Tarantola et Claire Bové avaient face à elles, entre autres, les Britanniques championnes d’Europe et du monde en titre. Trois bateaux se sont affrontés en bord à bord pour l’argent et le bronze. Les Roumaines ont décroché la deuxième place, suivies… des Grecques. Laura Tarantola et Claire Bové finissent au pied du podium pour 9 centièmes de seconde. Preuve, s’il en fallait encore, que la catégorie est de plus en plus dense à l’approche de ses derniers Jeux olympiques. « On est contents de ce qu’elles ont réalisé à Lucerne, note le DTN, dans un contexte de fatigue et sans être en pleine possession de leurs moyens, elles ont su chercher les ressources psychologiques nécessaires pour enchaîner les parcours ».
La dernière course des tricolores fut la finale A du quatre sans barreur. Là encore, du haut niveau avec les Britanniques invaincus cette saison, les Australiens champions olympiques à Tokyo et argentés à Varèse… Thibaud Turlan, Guillaume Turlan, Benoît Brunet et Téo Rayet n’ont pas pu accrocher leurs concurrents au départ et ont terminé à la sixième place de la finale. « Ce bateau est issu du système mis en place, cette saison. Il a déjà trois finales A internationales à son actif. Ils sont à leur niveau, il leur manque encore ce cran à prendre en finale et prendre part à la course, mais ils sont sur une belle dynamique ».
En finales B, mais dans les clous
Pour les autres bateaux tête d’affiche du groupe OLY, le parcours a été différent et semé d’embûches. Le retour de Matthieu Androdias à la compétition ayant été décalé, c’est donc avec Valentin Onfroy qu’Hugo Boucheron a ramé ce week-end en deux de couple. « L’objectif était de voir si l’on est en mesure de valider la qualification de la coque avec un remplaçant, explique le DTN, On a vu que oui, mais il manque encore des bateaux ». C’est en effet à la deuxième place de la finale B, derrière les Moldaves finalistes à Racice, que les Français ont fini. « Il y a de la densité, 10 bateaux sont dans les 6. Mais on ne veut pas attendre, la meilleure défense, c’est l’attaque, on veut garder la main pour gérer les aléas, on anticipe et on montre que même dans les moments compliqués, on sait rebondir. On a su le faire l’an passé ».
Pour le double féminin d’Emma Lunatti et Margaux Bailleul, qui n’a pas pu prendre le départ de la finale B, pour raison médicale, le DTN est là aussi rassurant. « La médaille à Varèse a donné de la confiance, on a souhaité préserver Emma Lunatti pour que le stage terminal, qui sera dur, se passe bien. On pousse les athlètes loin, on en a les conséquences, mais on voit qu’elles sont dans le jeu ».
Pour les autres bateaux présents, que ce soit Théophile Onfroy et Marie Jacquet en skiff, Audrey Feutrie, Hélène Lefebvre, Violaine Aernoudts et Jeanne Roche en quatre de couple féminin, Emma Cornelis et Adèle Brosse en deux sans barreur, le DTN est plus mesuré : « ce sont des projets, mais force est de constater qu’il n’y a pas de résultats probants pour accrocher quelque chose en l’état, on va se remobiliser pour aller chercher des opportunités. N’oublions pas non plus que, par exemple pour Marie Jacquet, il s’agissait d’un retour à la compétition, que le deux sans barreur féminin ramait pour la première fois dans cette composition ». Sébastien Vieilledent reste optimiste : « le week-end est réussi car c’est un week-end à remettre en perspective, avec une fin de cycle de travail. On n’est pas arrivés ici en pleine possession de nos moyens, on ne souhaitait pas l’être. On voulait montrer qu’on est dans les clous par rapport à nos objectifs, on y est. Il fallait montrer notre détermination et notre solidité, c’est fait ». Les objectifs sur les mondiaux sont clairs : deux médailles, et surtout cinq coques qualifiées pour les Jeux olympiques de Paris 2024.