Lucerne : une régate de travail aboutie mais peu récompensée

» Lucerne : une régate de travail aboutie mais peu récompensée

Onze bateaux tricolores étaient présents sur le Rotsee ce week-end. Six sont entrés en grandes finales, mais un seul a remporté une médaille. Un bilan chiffré qui peut sembler lourd, mais dont il convient de nuancer le premier aspect avec une analyse plus poussée.


Le temps est bon, le ciel est bleu… On aurait pu fredonner cet air le week-end dernier à Lucerne, faisant ainsi mentir l’un de ses surnoms : le pot de chambre de la Suisse. Même si tout le monde a comme première tendance de sacraliser Lucerne. Et pour cause : un autre de ses surnoms n’est-il pas la Mecque de l’aviron mondial ? C’est en effet la régate qui vient clôturer le circuit de la coupe du monde, celle à laquelle de nombreuses nations prennent part, celle qui donne le dernier ton avant les mondiaux et, cette année, les Europe… Celle à laquelle chaque rameur ou rameuse espère décrocher une médaille. Comme le disaient Laura Tarantola et Claire Bové, être médaillé à Lucerne a une saveur particulière.
Mais cette saison, au vu de la composition de l’équipe de France, on sentait davantage que le rendez-vous sur le Rotsee serait une régate de travail, même si l’on ne crache pas sur une breloque au passage.
Car c’est ainsi que le directeur technique national Sébastien Vieilledent et le conseiller exécutif à la haute performance Jürgen Gröbler ont envisagé cette troisième étape de coupe du monde : une étape sur le projet qui doit conduire l’équipe de France vers les championnats du monde de Racice du 18 au 25 septembre. Même si, bien entendu, certains bateaux n’étaient pas simplement venus faire des parcours pour « faire des parcours ».

Comme premier exemple, on peut ainsi citer le deux de couple poids léger féminin. Après avoir pris part aux régates d’Essen en open, Laura Tarantola et Claire Bové étaient de retour chez les PL et étaient clairement attendues dans le tiercé de tête par tous. Le public présent en masse et même les commentateurs de World Rowing avaient fait des vice-championnes olympiques les favorites de la discipline. Les deux rameuses ont démontré, sur leurs deux premiers parcours, qu’elles avaient la finale et la médaille dans les jambes, mais ce sont les Britanniques qui ont décroché l’or, un résultat qu’elles ont accepté avec le sourire. « Elles sont au taquet depuis Tokyo, commentaient-elles, et quel que soit la couleur de la médaille, on est trop heureuses. On est de retour en double, la machine est en route. On a pris du plaisir et on a hâte de retourner à l’entraînement ».

Pas de médaille, mais des progrès notables


La même hâte, on al retrouvait aussi chez leurs homologues masculins, Hugo Beurey et Ferdinand Ludwig. Eux aussi ont remporté leur série et leur demi-finale, mais la dernière course du week-end allait les opposer aux deux bateaux italiens venus jouer leur sélection et aux médaillés d’or à Poznan, alors qu’ils y avaient décroché l’argent. C’est la médaille en chocolat qui les attendaient sur la ligne d’arrivée. « Ils sont frustrés, commentait Sébastien Vieilledent, et c’est bien. On constate que sur la planification mise en place pour ce bateau, on est en avance ». Une avance que les deux rameurs sont encore prêts à faire progresser :  » on part fort et on a un moment de flottement, expliquait Hugo Beurey. On a tenté ce n’est pas passé pour aujourd’hui on retourne au travail pour les Europe et on va arriver en forme ».


Pour Matthieu Androdias et Hugo Boucheron engagés en skiff, comme à Poznan, l’échéance aura là aussi été un rendez-vous de travail. Le second a terminé en tête de la finale B et retrouve de l’agressivité. C’est aussi son classement que souligne le DTN : 7e sur la coupe du monde qui compte 27 partants. Le premier est entré en finale A, chacun le voyait sur le podium même si lui-même enlevait de son esprit « tout ce décor » : Lucerne, le podium, les attentes… Sixième en finale A, il ne cachait pas sa déception, mais c’était davantage sur le fait de ne pas avoir pu montrer toutes ses capacités que celui de ne pas être monté sur la boite. Quant au bilan global des deux skiffeurs et surtout à la suite, le DTN a là aussi été très clair : le double olympique est de retour… sans pour autant en préciser la date : « le bateau va poursuivre son objectif qui est d’arriver au meilleur niveau aux mondiaux en septembre. S’il faut passer par les Europe, on le fera. Mais on ne va pas laisser le calendrier nous dicter notre préparation pour Racice ».

La couple féminine n’est pas en reste


La couple féminine était elle aussi au cœur de tous les espoirs. Il faut dire que le parcours d’Emma Lunatti a marqué les esprits. La championne de France du skiff s’alignait en skiff à Lucerne, et elle l’a fait avec la manière : une entrée en finale A à Lucerne (inédit pour une rameuse depuis Sophie Balmary en 2007), de quoi susciter des rêves de médaille ! Mais la rameuse a su garder la tête froide : « je connais mon niveau international, je suis là avant tout pour connaître le niveau international des Françaises en skiff ». Et elle a pu le mesurer : elle est certes sixième mais a inscrit so nom dans le palmarès de l’aviron féminin français. Sans oublier le deux de couple composé au pied levé entre Margaux Bailleul et Violaine Aernoudts, qui a remporté la finale B.

Le quatre de couple au complet n’avait pas pu être aligné, Marie Jacquet étant indisponible. Bref, la dynamique du groupe est confirmée par ces performances individuelles et collectives, comme le soulignait Sébastien Vieilledent. Audrey Feutrie a quant à elle terminé son parcours sur le Rotsee en finale C. Là aussi, comme l’expliquait sa coache Camille Ribes, « elle apprend, à Poznan où il y avait moins de monde, elle a pu entrer en finale B ».

Des bateaux en construction


Un autre bateau était lui aussi présent à Lucerne pour s’évaluer, s’étalonner : le quatre de couple masculin qui faisait sa première sortie internationale depuis Essen dans cette composition. Victor Marcelot, Benoît Brunet, Valentin Onfroy et Théophile Onfroy, de retour de blessure découverte au moment des championnats de France bateaux courts, ont crânement tenté leur chance. Vainqueurs en série face aux Estoniens médaillés d’argent à Poznan et sixièmes aux Jeux de Tokyo, leur troisième place en demi-finale les avait qualifiés pour la finale A. « On n’a pas d’objectif chiffré sur Lucerne, notait Benoît Brunet, on se jauge et on s’évalue par rapport à la concurrence, il y a beaucoup de monde. On attaque fort, on est assez stable, on sait vers quoi aller et on se fait plaisir ». Le DTN ne cache pas sa satisfaction face au résultat obtenu par le bateau : « on repart de zéro, et on décroche une 5e place en finale A, au contact, avec Théophile Onfroy qui reprend tout juste sur une grosse régate comme celle-ci ».

Du côté de la pointe féminine, le constat est différent et placé là encore sur une optique de reconstruction : le quatre sans barreur féminin de Maya Cornut-Danjou, Julie Voirin, Adèle Brosse et Emma Cornelis a terminé à la quatrième place de la finale B. « On subit un système que l’on est en train de changer, commentait Sébastien Vieilledent. Les autres nations sont en stage en permanence, chez nous les athlètes sont pour l’instant dispersés dans différents endroits ». Une situation qui devrait changer dès la rentrée, avec un regroupement des rameuses et rameurs sur les pôles porteurs des projets d’embarcation.


Deux skiffs féminins poids légers étaient également présents à Lucerne. Alignées en deux de couple à Poznan, Aurélie Morizot et Susannah Duncan étaient cette fois-ci présentes en skiff. La première s’est qualifiée directement pour les demi-finales, la deuxième était passée par les repêchages. Une trajectoire qui s’est inversée par la suite, Susannah Duncan entrant en finale A quand sa coéquipière Aurélie Morizot a achevé son parcours en finale B. Elles ont terminé respectivement 6e et 8e de l’étape lucernoise de la coupe du monde.

Le bilan d’une compétition est bien souvent basé sur un chiffre brut : celui du nombre de médailles. De ce côté-ci, le week-end n’a pas vraiment été prolifique, avec une seule médaille décrochée. Mais c’est aussi parfois l’arbre qui cache la forêt : aux Jeux, les deux médailles remportées établissaient la France au 5e rang FISA… Mais au classement PO, plus objectif, elle descend au 13e rang ! On pourrait donc adopter le raisonnement inverse que celui du bilan au poids de métal ramené de Lucerne : celui du nombre de finales A atteintes mis en corrélation avec le travail engagé sur de nombreux bateaux. Le ciel est alors beaucoup moins sombre et laisse présager une suite plus attrayante.

Prochain rendez-vous : les championnats d’Europe à Munich mi-août. Si la flotte tricolore n’est pas encore connue dans le détail, on sait déjà que certains bateaux y feront leur retour, comme le quatre sans barreur masculin resté à Bellecin pour travailler. Les deux de couples poids léger seront aussi de la partie. Pour les autres, verdict dans quelques jours.

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